MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS SOCIAUX

Donner la priorité aux femmes à revenu faible ou modique

Introduction

La cause que nous souhaitons défendre à nouveau durant ces consultations prébudgétaires est l'amélioration de la situation financière des femmes à revenu faible ou modique au Canada.

Certes, le gouvernement actuel a pris certaines mesures dans les budgets précédents pour rehausser la sécurité financière des femmes à revenu faible ou modique, mais il y a encore beaucoup à faire. Les besoins financiers des femmes sont souvent différents de ceux des hommes, qu'elles soient célibataires ou mariées. Bon nombre de ces besoins n'ont pas encore été pris en compte.

Parmi les mesures annoncées dans les budgets précédents, mentionnons : la prestation fiscale pour le revenu de travail ; l’octroi de fonds pour le logement abordable et le sans-abrisme ; des crédits d’impôt à l’intention des personnes âgées ; des crédits d’impôt à l’intention des personnes handicapées ; et les bonifications du supplément de revenu garanti et des exonérations correspondantes sur les gains.

Dans le budget de 2011, le gouvernement a également annoncé une bonification largement nécessaire du supplément de revenu garanti, ce qui est un pas dans la bonne voie. En revanche, cette mesure est peu susceptible de faire passer les femmes âgées vivant seules en milieu urbain au-dessus du seuil de faible revenu (SFR). Il y avait également dans ce budget un crédit d'impôt pour les aides familiales et un régime enregistré d'épargne-invalidité qui profiteront peut-être à certaines femmes à revenu modique. Ces initiatives sont par contre peu susceptibles d’aider les pauvres.

Bien que le gouvernement fédéral ait indiqué dans ce budget qu’il s'efforce d'améliorer le revenu de retraite des générations futures de personnes âgées, au moyen d'un régime de pension enregistré collectif et de la recherche de solutions pour bonifier modérément le Régime de pensions du Canada, il n'est pas évident (et c'est sans doute peu probable) que ces initiatives profiteront aux femmes à revenu modique.

Pourquoi a-t-on besoin de politiques supplémentaires à l’intention des femmes à revenu faible ou modique ?

(i)            Le revenu et les salaires

La proportion de revenus modiques (mesurés en fonction du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada) est sensiblement la même chez les hommes et les femmes; toutefois, les femmes âgées, les mères de familles monoparentales et les femmes seules demeurent encore disproportionnellement plus pauvres que les hommes.

D’autres facteurs, comme l’âge, l’origine ethnique, le statut d’immigrant et celui d’Autochtone contribuent à accentuer les conséquences du faible revenu sur les femmes.

Le revenu moyen des femmes par rapport à celui des hommes se situe encore autour de 65 à 70 %. Il est plus élevé pour le travail à temps plein mais l'écart reste important.

Bien que la grande majorité des femmes adultes occupent un emploi rémunéré, leur expérience du travail rémunéré est différente de celle des hommes. Un plus grand nombre de femmes occupent des emplois à temps partiel ou des emplois non standard, ce qui influe de manière spectaculaire sur leur revenu.

(ii)          Les paiements de transfert individuels

 Compte tenu de la nature des emplois occupés par les femmes, de leurs faibles salaires et de leur participation limitée aux régimes de retraite, il est difficile à des femmes qui ont travaillé toute leur vie d'accumuler un revenu de retraite et d'assurer leur sécurité financière au moyen du Régime de pensions du Canada et de régimes de retraite privés.

L’allocation liée à la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti est offerte aux femmes à faible revenu de 60 à 64 ans qui sont mariées à un retraité à faible revenu, ainsi qu’aux veuves âgées de 60 à 64 ans. Les femmes à faible revenu âgées de 60 à 64 ans qui n’ont jamais été mariées ou qui sont séparées ou divorcées n’y sont pas admissibles.

Les femmes touchent de faibles prestations du RPC à cause de leurs faibles revenus. En vertu du régime actuel, les cotisantes touchent des prestations équivalant plus ou moins à 25 % du revenu annuel moyen qu’elles ont touché au cours de leur vie. En outre, certaines femmes âgées doivent se retirer du marché du travail pour prendre soin de membres de leur famille plus âgés ou de parents handicapés et peuvent de ce fait perdre certaines des prestations du RPC.

Pour ce qui est de l’assurance-emploi, les femmes sont moins susceptibles que les hommes d’y être admissibles lorsqu'elles perdent leur emploi. Elles entrent et sortent plus fréquemment du marché du travail à cause des tâches familiales. Les règles régissant l'abandon volontaire d'un emploi rendent également difficile l'admissibilité de nombreuses femmes à l'assurance-emploi. En outre, les prestations de maladie sont inadéquates pour les femmes, celles-ci étant plus susceptibles d'en être déclarées inadmissibles.

Bon nombre de femmes ne sont pas admissibles aux prestations de maternité ou parentales parce qu’elles n’ont pas travaillé un nombre d'heures suffisant au cours de l'année précédente ou qu’elles ont dû quitter leur emploi en raison d’une maladie ou pour prendre soin d’un proche.

Recommandations

Nous pensons que les trois séries de recommandations qui suivent seront bénéfiques aux femmes à revenu faible ou modique du Canada.

(iii)         La Sécurité de la vieillesse (SV), le Supplément de revenu garanti (SRG) et l’Allocation

Le montant combiné de la SV et du SRG, dans le cas des femmes qui n’ont aucun autre revenu dans leur vieillesse, devrait être au moins égal au seuil de faible revenu (SRF) après impôt, quel que soit leur lieu de résidence. Les prestations supplémentaires annoncées dans le budget de 2011 obligeront toujours beaucoup de femmes à vivre dans la pauvreté dans les régions urbaines.

Pour résoudre le problème de l'admissibilité aux prestations du SRG des personnes ayant peu d'épargne personnelle, on devrait accepter des niveaux de revenu plus élevés avant de réduire les prestations de SRG. Le complément maximal de SRG annoncé pour les femmes seules dans le budget de 2011 suppose un revenu de 2 000 $ d’autres sources que la SV ou le SRG. Nous pensons que ce montant devrait être au moins doublé.

Comme il est possible de toucher des prestations du RPC à 60 ans, il serait logique d’éliminer la restriction relative à l'état matrimonial en ce qui a trait à l’Allocation du système de sécurité de la vieillesse et rendre toute personne à faible revenu âgée de 60 à 64 ans admissible aux prestations, quel que soit son état matrimonial.

(iv)      Le Régime de pensions du Canada

Afin d’améliorer les prestations de retraite du RPC pour les femmes à faible revenu, le taux de remplacement devrait être porté de 25 % du revenu moyen à un maximum de 50 %  dans le cas des personnes dont le revenu est égal ou inférieur au maximum des gains annuels ouvrant droit à pension (MGAP).

On pourrait financer les taux de remplacement accrus en relevant le seuil supérieur actuel des gains cotisables, qui est sensiblement équivalent au salaire moyen, en le portant au double du salaire moyen.

On pourrait pallier le fardeau des cotisations élevées au RPC pour les personnes à faible revenu en augmentant le crédit d’impôt pour les cotisations au RPC ou en le transformant en un crédit progressif en fonction du revenu. Cela aiderait aussi les personnes occupant plusieurs emplois dont le revenu de l’un ou l’autre est inférieur à l’exemption annuelle de base et qui souhaiteraient cotiser au RPC au moment de produire leur déclaration d'impôt.

On devrait mettre en oeuvre une disposition d’exclusion du RPC au profit des personnes prenant soin d'autres personnes. Comparable aux clauses d’exclusion pour élever des enfants, elle permettrait aux femmes âgées qui demanderont à toucher leurs prestations de retraite du RPC d’exclure du calcul de leur revenu moyen servant à établir le montant de leurs prestations un certain nombre d’années au cours desquelles elles prenaient soin sans salaire de membres de leur famille plus âgés ou handicapés, ce qui rehausserait le montant de leur pension.

(v)       L’assurance-emploi

Augmenter progressivement le nombre de semaines de prestations en cas de maladie ou de prestations de compassion, en demeurant ouvert à la possibilité de prolonger encore plus la période d’octroi des prestations.

Élargir la définition et les catégories concernant l’abandon d’un emploi pour raison valable de manière à permettre plus de souplesse dans l’interprétation de ce qu’est un motif valable.

Majorer le montant des prestations hebdomadaires en les fondant sur les 14 meilleures semaines de gains du prestataire au cours des 12 derniers mois.